Rêves, cauchemars et réalité

Rêves, cauchemars et réalité

Je suis assisse sur un banc, en haut d’une colline et j’admire la vue imprenable qui s’offre à moi. Les pâturages à perte de vue, des champs et au loin le lac et les montagnes.

Lana est debout au bord de la colline et je la vois qui regarde vers le bas, un sourire merveilleux, les bras tendus.

Et j’entends ce rire. Ce rire si familier, si particulier et si magique qu’il donne envie de rire dès que nous l’entendons. Ce rire qui s’élève au-delà de la colline, haut dans le ciel sans limite.

Je me lève et j’approche de Lana. Et là je la vois. Ma p’tite Zoé. Elle monte la colline en courant. Ses petits bras, pliés bien collés à son corps qui vont d’avant en arrière. Presque exagérément, mais tellement typique de Zoé. Il lui est difficile de courir car rire et courir ce n’est de loin pas évident.
Enfin elle arrive en haut et elle se jette dans le bras de sa sœur.

Je contemple ce merveilleux moment et ferme les yeux pour savourer cet instant si précieux. Mes filles riant et dansant là-haut sur cette colline avec comme seul témoin mes yeux et mon cœur de maman.

J’ouvre les yeux. Je suis dans mon lit. Dans le noir. Et je comprends tout de suite que ce n’était qu’un rêve. Un merveilleux rêve.

….

Nous sommes quelque part aux Etats Unis dans un hôpital. Dans une pièce qui ressemble à des soins intensifs. Zoé est dans mes bras. Je sens la chaleur de son corps, la fraîcheur de ses petits pieds nus (elle était toujours pieds nus), la douceur de sa peau et la finesse de ces cheveux. Nos regards se croisent et je la repose dans son lit d’hôpital. Je comprends que la fin est proche. Le souffle se fait plus bruyant plus difficile. Puis je pars.

Je laisse ma fille seule dans cet hôpital et je m’en vais avec mon mari et notre fille aînée.

Je ferme les yeux. Comment puis-je laisser ma fille mourir seule dans un hôpital où en plus personne ne la connait ?

J’ouvre les yeux. Je suis dans mon lit. Dans le noir. Et je comprends que ce n’était qu’un cauchemar. Un horrible cauchemar.

….

Rêve ou cauchemar, qu’importe, je sais avant même de poser un pied hors de mon lit quelle est la réalité.

La petite voix de Zoé ne m’a pas réveillée cette nuit. Je n’ai pas passé une partie de la nuit dans le lit de Zoé, sa tête posée sur ma poitrine mon bras l‘entourant pour la rassurer.

Je sais que lorsque je passerai devant sa porte, celle-ci sera fermée alors qu’elle était toujours ouverte.

En jetant un œil discrètement dans la chambre, je ne verrai pas son lit, ni ne la regarderait dormir, ses petites jambes posées par-dessus son duvet, entourée de son doudou et de ses lolettes.

Comme j’aimais la regarder dormir.

Je sais avant même de poser un pied hors de mon lit que Zoé s’en est allée. Qu’elle ne reviendra pas. Que son rire ne résonnera plus qu’à travers un ordinateur ou un téléphone. Que son sourire sera figé sur les innombrables photos que nous avons d’elle.

Qu’au lieu de son lit c’est un bureau que je verrais. Qu’au lieu du tas de jouet que Zoé avait pour habitude de laisser traîner au milieu de sa chambre, ce sera des cartons des dépliants, de calendriers et autres documents de l’association que je verrai. Je sais que je n’aurai pas besoin de lui préparer son biberon et que je mettrai la table pour trois et non pour quatre.

J’hésite à me lever.
Le rêve était si merveilleux, le cauchemar affreux.
Mais la réalité qu’est-elle finalement ?
Ni belle car il manquera à jamais mon enfant. Ni affreuse car il y aura toujours de beaux moments, de belles personnes autour de moi.

Je sais que je ne peux pas changer le passé, ni le fait que Zoé ne reviendra pas.
Mais je sais que je peux décider de ce que je veux faire aujourd’hui et demain ainsi que du sens que je veux donner à ma vie.

Je sais que j’aimerai offrir une belle vie à Lana afin qu’elle puisse avoir toutes les armes nécessaires, amour, bonté, intelligence, pour faire face aux choix qu’elle devra prendre.
Qu’elle puisse être heureuse malgré les obstacles et les difficultés auxquelles elle devra faire face.

Oui, je suis en vie. Et j’aime à penser que c’est parce que je n’ai pas encore terminé ma mission sur cette terre.

Je repense à cette phrase qui dit que « La vie c’est comme la boxe alors avance, encaisse et progresse »

Oui, je vais avancer. Je vais avancer, avec mes armes à moi, du mieux possible, pour moi et pour ceux que j’aime en tentant de surmonter les obstacles avec les armes que j’ai acquises.

Alors je pose un pied au sol et me lève….

Natalie Guignard-Nardin – 28 décembre 2014

rêves def