Les priorités
Nous avons tous dans nos vies des priorités. Des personnes, des événements, des choses que nous faisons passer avant toutes les autres.
Pour chacun d’entre nous elles sont différentes.
Pour chacun d’entre nous elles sont classées, logiquement, par ordre, allant de celle qui nous semble la plus importante à celle qui nous le semble le moins. Nous n’avons pas toujours conscience de cet ordre, et nous le faisons parfois sans même réfléchir.
Certains me diront que nous n’avons pas toujours le choix de nos priorités. Moi je dis que oui.
Vous êtes libres de choisir ce que vous désirez faire de votre journée le matin en vous levant non ? Vous êtes libre d’aller ou non au travail. Vous êtes libre de passer votre journée au lit à ne rien faire finalement. Libre de ne pas amener vos enfants à l’école, de ne pas aller faire de courses.
Vous êtes libre de faire le bien ou le mal, d’être bon ou mauvais.
Mais il faudra en assumer les conséquences c’est certain.
Vous êtes le seul maître de votre vie et des choix que vous avez fait et que vous faites. A vous de voir ce que vous désirez faire de votre vie.
A vous de choisir de la façon dont vous voulez menez votre vie et à la façon dont vous voulez faire face aux difficultés et aux épreuves qui sont sur votre route.
Alors choisissez bien vos priorités, et leur ordre. Car il est parfois difficile d’admettre que l’on se soit trompé de route, et il est souvent impossible de revenir en arrière, surtout quand vous avez blessé une personne.
Parfois l’ordre des priorités est modifié en fonction de ce qui se passe dans votre vie, et vos priorités peuvent également évoluer ou changer.
J’ai été heureuse de rencontrer mon mari, mon âme sœur il y a déjà 15 ans. Emplie de joie en mettant au monde mon premier enfant, Lana. Puis entièrement comblée en mettant au monde Zoé, malgré les douloureuses heures qui ont suivi sa venue au monde. Malgré les mois et les années de combat contre la maladie, oui j’ai été comblée.
Les priorités étaient de soigner Zoé, tout en préservant notre vie de famille. Zoé passait avant tout car nous avons choisi de toujours calquer nos vies en fonction des traitements, des hospitalisations et des contrôles. Nous avons choisi de laisser notre fille Lana à nos familles principalement, les deux grands-mamans et ma sœur qui ont toujours été là pour nous, Lana et Zoé. Non pas que nos amis ne soient pas capables, mais nous avons opté pour ce qui nous semblait la perturber le moins possible, donc la laissions là où elle avait l’habitude d’aller. Par la suite, Lana allant à l’école, elle a passé également beaucoup de temps chez Sylvie afin qu’elle puisse jouer avec son amie Manon.
Lana a grandi avec une petite sœur malade pendant 5 ans. Alors qu’elle était seule avec nous, elle se retrouve avec une maman absente qui passe ses journées à l’hôpital près de sa petite sœur qu’elle n’a pas demandé à avoir. Et pourtant jamais elle n’a manifesté la moindre jalousie envers sa sœur.
Elle vivra les joies et les peines comme nous, comme les adultes. Elle a pu s’extasier devant les sourires et les pitreries de sa petite sœur. S’émerveiller devant chaque progrès que sa sœur faisait et qui nous semblait parfois si extraordinaire au vu de tout ce qu’elle traversait depuis sa naissance. Elle l’a accompagnée à l’hôpital, l’a encouragée l’a rassurée lui disant de ne pas avoir peur alors qu’elle-même avait une peur bleue des piqûres et du sang. Elle l’a accompagnée sur le chemin de l’école, se tenant droite, si fière d’aller à l’école avec Zoé. Elle a su me convaincre de les laisser rentrer seules les deux depuis le bus, car elle veillait sur sa petite sœur. Elle a accepté que sa petite sœur passe le temps de chaque récréation près d’elle plutôt qu’avec ses camarades. Zoé idolâtrait sa grande sœur et Lana en savourait chaque instant.
J’ai assisté à leur amour, qui était je pense, le plus grand amour entre deux personnes auquel il me soit donné d’assister.
Lorsque Zoé a dû apprendre à avaler des gélules aussi grosses qu’un noyau de cerise alors qu’elle avait juste 3 ans, c’est Lana qui a voulu montrer l’exemple. Elle m’a demandé si je pouvais lui donner une gélule. Bien entendu je lui ai donné une gélule naturelle de vitamines de cette façon elle ne risquait rien. Je la revois tentant de l’avaler, elle qui n’avait jamais eu de comprimés ou autre à avaler. Une première fois sans succès. Mais tenant à y arriver a tout prix, elle a essayé à nouveau sous mes yeux perplexes de réaliser ce qu’elle était prête à faire pour sa sœur.
Malgré les larmes qui coulaient, la douleur et les sanglots, Lana a su trouver la force de se reprendre afin de rassurer sa petite sœur. Effrayée et en pleurs, Zoé venait d’apprendre de ma bouche qu’elle allait partir au ciel et que nous ne pouvions rien y changer. Cela a probablement été le moment le plus fort de ma vie (avec le fait de la voir mourir et lui demander de lâcher prise). J’étais avec mes deux filles, mes fiertés, et je vivais la chose la plus terrible qu’une mère puisse vivre. Je savais que plus rien au monde ne me ferai autant de mal.
Alors j’ai entendu Lana dire : Au ciel il y a plein de ballons pour jouer tu sais, ça sera beau j’en suis certaine.
Les mots étaient sortis de la bouche de ma fille de 8 ans…des mots d’adultes..
Dès cet instant précis, Lana a grandi encore plus vite. Elle a su profiter et apprécier chaque instant avec Zoé, n’a pas versé une larme devant sa sœur qui n aimait pas voir les gens pleurer, ne lui a montré aucune crainte. Je les revois encore couchées dans le lit l’une à côté de l’autre deux jours avant le décès de Zoé. Lana tenant la main de sa petite sœur, lui parlant sans cesse, la câlinant et savourant chaque instant qu’elle pouvait encore passer près d’elle.
Elle a embrassé sa petite sœur alors qu’elle était décédée, elle lui a pris son doudou car elle avait promis d’en prendre soin et aujourd’hui dort toujours avec.
C’est elle qui a choisi une robe bleue, couleur de Zoé, pour la cérémonie de sa soeur, des boucles d’oreilles avec des étoiles bleues et c’est elle qui a soigneusement rangé un dessin et la peluche Winter dans la petite urne en bois.
C’est encore elle qui aujourd’hui nous rappelle la promesse que nous avons faite à Zoé. Celle de continuer à rire malgré la douleur de ne plus l’avoir près de nous. Et croyez-moi c’est loin d’être une promesse facile à tenir.
Lana aura commencé l’année scolaire sans sa sœur qui était en isolement complet pour le traitement de la dernière chance. Un déchirement pour elles de ne pas pouvoir se toucher mais surtout pas même se voir. Puis elle a manqué un peu l’école avec le voyage en Floride et le décès de Zoé. Mais elle a su s’accrocher, se fixer ses priorités à elle. Car elle l’a compris: si elle veut choisir un métier qui lui plaise elle doit travailler, avoir de bonnes notes. Elle a travaillé dur.
Si forte et courageuse, elle a effectué tous les jours le trajet de l’école sans sa sœur dès notre retour de Floride. Elle a gravis tous les jours les marches qui mènent à sa classe, passant devant la classe de Zoé.
Devant la porte qui comportait le dessin que Zoé avait fait.
Cette porte qui souvent reste ouverte, sur un pupitre et une chaise laissés vide.
Elle a terminé l’année scolaire sans sa sœur avec des résultats plus que parfaits, parce qu’elle a voulu travailler.
Lana, si mature, qui rentre de l’école choquée de voir combien certaines personnes peuvent être méchantes. Lana qui me dit qu’elle veut prendre 5.—pour son ami d’école qui vient de dépenser le peu d’économie qu’il avait pour des fleurs afin de les offrir à l’élue de son cœur, qui les jettera au sol devant lui et toute la classe. Je l’ai écoutée ce jour-là. Entre tendresse, amour et fierté. Puis je l’ai encouragée à écouter son cœur, et nous sommes parties à vélo afin qu’elle puisse offrir ses propres économies à son ami de classe.
Nous avons eu une grande discussion malgré tout où je l’ai mise en garde sur l’argent.
En effet quand il y a de l’argent en jeu il vaut mieux se méfier de nos amis. Oui, elle avait reçu des sous au décès de Zoé, à Noël et son anniversaire. Elle dit ne pas en avoir besoin. Elle veut aider les autres et je ne peux que l’encourager. Mais méfie-toi ma fille…je lui donne des exemples concrets, elle réfléchit, comprend mesure le risque mais décide d’y aller. Non sans être choquée des exemples que je lui ai donnés.
Que je suis fière d’elle.
C’est bien, écoute ton cœur, car en écoutant ton cœur tu ne peux pas te tromper. C’est ce qu’il te dicte de faire, alors n’ai jamais aucun regret de l’avoir écouté. Car c’était la bonne décision.
Elle a su avancer, avec ses buts, ses priorités et malgré l’absence de Zoé, elle la porte dans son cœur. Rit encore de l’entendre rire sur les vidéos, parles encore de ses bêtises, du sans gêne de Zoé qui l’a toujours impressionnée. Comme lorsqu’elle me raconte encore et encore comment Zoé a répondu à des grandes de l’école en se moquant ouvertement d’elles, sous ses yeux, totalement abasourdie de son attitude à la limite de l’effronterie.
Elle parle souvent de Zoé au présent et lorsque je lui en ai fait la remarque elle m’a répondu : ce n’est pas parce les gens sont décédés que nous devons parler d’eux au passé. Ils sont juste ailleurs.
Lana est parfois choquée de voir le nombre incroyable de personnes qui sortent des toilettes sans se laver les mains et de leur manque d’hygiène. Elle l’est encore plus par l’impolitesse de certains adultes, par leur manque de savoir-vivre mais surtout ne comprend pas leur méchanceté. Quelles sont les raisons qui poussent une personne à être méchante volontairement, surtout lorsqu’il s’agit d’un adulte ? C’est au-delà du compréhensible pour elle.
Elle a brillé dans ses résultats scolaires malgré toutes les épreuves qu’elle affronte depuis 5 ans et je suis extrêmement fière d’elle.
Elle a probablement, du haut de ses 9 ans vécu bien plus, comprit bien plus que la plupart des adultes de ce monde et elle a développé une maturité exemplaire.
Oui elle a grandi très vite. Mais elle a su faire ses armes qui lui serviront dans le futur.
Mes priorités sont ma fille mon mari, les gens qui me sont proches et qui me soutiennent.
Oui j’en ai bien d’autres.
Bien sûr, Zoé4life arrive droit derrière car nous avons déjà tant accompli et avons tant à faire.
Je suis fière de voir qu’il ressort du décès de Zoé quelque chose de beau, de solidaire qui apporte du positif aux autres. Grâce à Zoé4life, grâce au soutien que tant de monde apporte au travers de l’association, nous accomplissons de belles et grandes choses. Nous pouvons réaliser des choses qu’aucune autre association ne réalise, c’est ce que nous voulions, être complémentaires, honnêtes et justes envers toutes les personnes que nous soutenons.
Car en effet, oui nous aurions pu tout arrêter après le décès de Zoé et Zoé4life aura existé uniquement pour Zoé et sa famille.
Mais non, nous avons décidé de continuer et j’en suis heureuse. Car ceci donne également un sentiment d’injustice moins grand au départ de Zoé. Ça lui donne un sens.
Lana est fière d’être l’ambassadrice de cette magnifique association et assume son rôle avec le plus grand sérieux. Elle ne sait que trop bien ce que c’est d’avoir un frère ou une sœur malade, et de le perdre. Et quelle peuvent être les réactions des gens. Elle veut être là pour tous ces héros pour les aider, c’est son choix, nous le respectons et l’admirons.
Parfois nous nous égarons avec des futilités. Et s’il est parfois difficile de me souvenir des priorités que je me suis fixée, Zoé ou Lana me les rappelle. Par un signe, un rêve, un cauchemar ou une réflexion de Lana, j’arrive à me rappeler ce pour quoi je veux continuer sur le chemin de la vie. Ce que je veux faire. Parce que je me dis que si je vis encore 40 ans sur cette terre c’est amplement assez long pour que je me concentre sur mes priorités, les miennes et sans m inquiéter de celles des autres.
La maturité de Lana et son savoir vivre est un exemple que beaucoup de monde devrait suivre.
Je suis fière d’être sa maman. Et elle est ma première priorité.
A vous de voir quelles sont les vôtres.