La peur, la panique, la colère, la tristesse et la joie

Parfois j’avoue être nostalgique de l’époque de l’insouciance que nous connaissions avant de « tomber » dans le monde du cancer. Nous ressentons tant d’émotions différentes et ça parfois dans un délai très court, parfois en l’espace de quelques heures seulement.
Lorsqu’on parle de crise de panique il est mentionné: terreur soudaine qui domine le raisonnement parfois avec tremblements nausées souffle court…
Je ne panique jamais. Je sais toujours exactement ce que je dois faire. Je sais toujours où je dois aller, ce que je dois demander, ce que je veux savoir, et je pose toujours des questions claires aux médecins et j’attends d’eux, et je reçois toujours des réponses claires, honnêtes et franches.

Mais lorsque un vendredi il y a 2 ou 3 semaines, Zoé se lève et boite. Elle a mal à la jambe, cette fameuse jambe gauche, au même endroit qu’en octobre 2011. Je peux a peine toucher qu’elle a mal. Ce n’est ni enflé ni bleu, là j’ai un peu paniqué j’avoue…

Mais là je vous assure que j’ai eu un moment de panique. Je regardais Zoé m’énervais presque contre elle à lui demander si elle s’était tapée ce qui se passait, et après deux heures a tourner en rond dans la maison j’ai écouté mon amie Nicole, également une maman-cancer, qui me dit d’appeler l’hôpital. Ce que je fais donc. Ouf c’était l’infirmière de Zoé, qui très calmement m’a dit qu’elle me rappelai dans dix minutes. Ce qu’elle fait en me disant que la Drss veut voir Zoé, mais cool pas de stress. Je pense qu’ils ont toujours peur que les parents prennent la route dans un état de stress et qu’ils fassent un accident. Mais je gère très bien vraiment. Même si je pleurai dans ma voiture et que je criais que c’était quand même dégoûtant (pour pas dire autre chose) injuste car j’étais convaincue que c’était une rechute. Et bien sûr même là je réfléchissait déjà à la suite, de ce qui allait être entrepris, de ce qu’il y aurait comme examens, comme traitement, et est-ce qu’il y avait encore quelque chose qui fonctionnerait ? Ma liste de questions était prête dans ma tête. Car la panique avait cédé la place à la peur et la colère.

C’est fou car une fois que la porte de l’ascenseur s’ouvre à l’étage des tulipes (11ème étapes qui est décoré avec des lampes en forme de tulipes), la pression est tombée, je me sentais mieux. Je paniquait pas, mais j’avais peur. La pauvre Zoé a pleuré en voyant la drss arriver car elle a tellement du sentir ma peur, ma pression, mon angoisse. C’est la première fois qu’elle réagit comme ça. Après l’avoir auscultée elle pense plus à un hématome mais nous faisons quand même une radio des deux jambes qui ne montrera rien de suspect. Nous décidons d’attendre de surveiller pendant quelques jours. Puis les jours suivants nous avons mit de la crème sur la jambe de Zoé, lui avons mit une bande afin qu’elle ne se fasse pas plus mal encore. Et la douleur s’est estompée au fil des jours. Ma peur a gentiment disparu, même si elle a encore un peu mal quand on appuie dessus Mais l’approche du bilan (semaine prochaine) m’inquiète et me rassure en même temps.

Je me sens extrêmement fatiguée. Ces fausse alerte sont tellement épuisantes. Chaque bobo est symptômes de rechute ces temps. Je ne sais pas gérer les petits bobos. Et c’est comme si je revivais chaque jour de la rechute de Zoé. Je nous revois il y a un an à Berne, je repense à ce parcours de vie qu’elle a depuis sa naissance. Je ne sais pas si je réalise vraiment ce qu’elle a enduré. Oui je l’ai vu et vécu près d’elle, mais je ne comprends pas comment elle a eu la force de se battre encore et encore. Comment a t’elle tenu? Comment son corps a t’il été capable de supporter tout ça ? Et surtout comment peut-elle encaisser tout ça avec le sourire et en même temps nous donner à nous de l’énergie pour avancer et tenir ? Partout où nous allons les gens nous disent qu’elle a un sourire et une force de vie incroyable.
Tout ça, pendant les traitements, nous n’avons en général pas le temps d’y penser. Nous prenons chaque jour après l’autre, notre vie « hors du cancer » est totalement en « stand by ». Mais nous y arrivons toutes, à soutenir nos enfants, nous mamans-cancer, car nous pouvons bien faire ça pour nos enfants, et c’est au moins quelque chose que nous pouvons faire.

Par contre lorsque votre enfant va bien et que le personnel médical est content, l’entourage est heureux que tout le monde vous dis: maintenant vous pouvez tourner la page, aller de l’avant, « oublier » même qu’on m’a eu dit, c’est là que ça complique en général pour nous mamans-cancers. C’est là où nous avons le temps de réfléchir, de nous retourner sur le chemin parcourus, c’est là que tout à coup nous sommes fatiguées alors qu’il faut « juste » faire un repas, le ménage, la lessive, le repassage, les courses, les devoirs, bref tout ce que nous faisions déjà avant…Mais comment est-ce que je faisais pour gérer tout ça « avant » ? Les journées n’avaient pas plus d’heures qu’aujourd’hui pourtant. Et j’ai l’impression que mes épaules sont lourdes, si lourdes …alors un mélange de joie et de tristesse se mêlent. La joie de voir mes filles jouer ensemble, de les voir heureuses, en bonne santé, pleine de vie. Mais la tristesse en pensant à ce qu’elles ont enduré, chacune à leur façon, à ce que de fichu crabe et à ce qu’il a fait vivre à ma famille.

Nous sommes donc partis en Bretagne pendant la semaine de vacances de février. Mais nous avons tout entendu : En Bretagne en février mais vous êtes fou ? Il fait toujours moche, froid il pleut etc etc. Et bien nous avons eu un soleil et un ciel bleu toute la semaine et des températures printanière jusqu’au jeudi, où là la température a chuté. Nous avons profité de faire simplement de belles ballades le long des belles plages, respirer le bon air de la mer, rencontrer des gens formidables, chaleureux et accueillants. Se retrouver juste nous quatre. Et je me suis sentie si heureuse, pas de peur, pas de panique, pas de tristesse, juste de la joie, du bonheur le temps d’une semaine.

Oui, parfois je rêve de l’insouciance que nous connaissions avant la naissance de Zoé. Je me demande ce que notre vie aurait été si j’étais rentrée avec mon bébé à la maison en bonne santé après trois jours. Car je ne connaissais pas cette peur qui vous prends aux tripes car vous avez peur pour votre enfant, pour vos enfants, pour leur vie finalement. Et je me dis que jamais plus je ne connaîtrais cette sensation d’insouciance car nous savons combien la vie peut-être fragile….
Mais je m’estime également extrêmement chanceuse car cela m’aide certainement a vivre le moment présent plus intensément qu’avant et je me sens riche de cet amour que mes proches me porte et de celui que je leur porte.

Mardi et mercredi Zoé aura une scintigraphie. Ce fameux examen qui nous montrait quelque chose de suspect dans la jambe. Puis le lundi suivant il y aura l’IRM avec la ponction de la moelle sous anesthésie. Cette anesthésie sera la 21ème de Zoé en 4 ans. Nous aurons les résultats la semaine du 18 mars. Zoé est en pleine forme. Je vais citer quelques phrases qu’elle nous a sortie :

Zoé: J’aimerai avoir 7 ans
Moi: Tu auras 7 ans un jour tu sais.
Zoé: Mais pourquoi ça vient pas les 7 ans ?

Zoé: Quand je sera un adulte et que je travaillera à l’hôpital, tu me laisseras pas seule hein maman?
Moi: Mais tu veux faire quoi à l’hôpital comme travail ?
Zoé: Ben je veux faire infirmière et faire des piqures aux enfants.
Moi: Mais moi je serai une grand maman quand tu seras une adulte je peux venir travailler avec toi.
Zoé: Bon ben je travaillera avec Virginie (son infirmière référente qu’elle adore)

L’autre nuit à 3h du matin j’ai entendu du bruit et je me suis levée. J’ai trouvé Zoé, la lumière allumée, a la cuisine devant le tiroir où je range céréales et biscuits. Je lui dis: Je peux t’aider ? Elle a sursauté et me fait: Mais moi j’ai faim !

Lana elle travaille bien à l’école, aime la grammaire et l’orthographe, joue beaucoup à la maîtresse. Elle a retrouvé un peu cette joie de vivre qui l’avait quitté ces derniers mois. Elle a besoin de rester près de nous, demande rarement à aller chez des amies ou a en inviter. Elle veut juste être près de nous.

« Si toute vie va inévitablement vers sa fin, nous devons durant la nôtre, la colorier avec nos couleurs d’amour et d’espoir » (Marc Chagall)

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