Apprendre à vivre « normalement »

Lorsque son enfant est malade, on se retrouve très entourés par le personnel médical. Notre enfant est sous étroite surveillance, les contrôles et traitements au CHUV ont lieu si souvent qu’on y passe plus de temps qu’à la maison presque. Lorsqu’on est sur place à l’hôpital, c’est comme si on vivait dans une bulle, dans un autre monde. La terre s’arrête aux portes de l’hôpital presque. Quel intérêt de m’informer sur ce qui se passe à l’autre bout du monde finalement, j’ai assez à faire que de m’occuper de ma puce malade. Les journéés démarraient avec un réveil tôt car je ne voulais qu’une chose: vite retrouver mon bébé que j’avais laissé la veille au soir. Tous les soirs je partais le coeur serré du CHUV car je laissait Zoé là-bas. Par chance ma soeur et ma maman, d’une aide incroyable venaient à tour de rôle me relayer dès 18h00 environ afin de rester auprès de Zoé jusqu’à ce qu’elle s’endorme vers 20h00. Et moi je ressentais ce sentiment si difficile : être partagée entre ses enfants. Je voulais rentrer auprès de Lana afin de la voir, j’en avais besoin autant, voir certainement plus qu’elle. Mais laisser Zoé était difficile….Je plaçais Lana là où il était convenu de la mettre, dans la famille et quelques amis parfois. Je roulais bien sûr toujours trop vite sur l’autoroute et arrivais sur les chapeaux de roues dans le parking du CHUV, courant presque dans les couloirs pour gagner quelques minutes auprès de Zoé. La boule au ventre quand même, ne sachant pas comment je la trouverai.  A partir de ce moment, l’extérieur du CHUV était un autre monde, et ce jusqu’au soir. On est là que pour son enfant finalement. La paperasse, les courses la gestion de la fraterie, du couple ça on verra plus tard….

Quand on peut rentrer avec son enfant après une cure, on se retrouve un peu seul. Il faut apprendre à faire ses courses sans les enfants car trop dangereux de trainer un enfant sans immunité dans les magasins. On veut, on essaie d’avoir un semblant de vie normale. Nous allions à la place de jeux pour le plus grand bonheur de Lana. Pouvoir jouer dehors en ma présence et celle de sa soeur n’était pas chose courante. Mais il faut toujours rester sur ses gardes. Les enfants aiment les bébé et aiment venir les toucher. Alors je leur expliquait qu’il ne fallait pas toucher Zoé. De peur qu’elle attrappe un rhume ou pire une varicelle ou dieu sait quelle maladie bénine en temps normal, mais si dangereuse pour Zoé.

Quand notre enfant a terminé les traitements, on se retrouve vraiment seul. Le milieu médical ne vous appelle pas pour vous demander comment ça se passe. Comment on gère nos peurs d’une rechute, nos émotions du contrecoup qui arrive. IL n’y a pas d’association qui vous suit lors de votre retour à la maison. Mis a part l’ARFEC (association romande des familles avec enfant atteint de cancer) qui reste en contact avec vous. Elisabeth en particulier qui vous appelle, vous demande de vos nouvelles, vient vous voir.  C’est là qu’il faut apprendre à vivre avec un enfant qui a eu un cancer…et les remarques ou réactions des gens.

Je ne veux pas qu’on nous plaigne, mais je ne supporte pas qu’on minimise ce que Zoé a traversé, ce que Lana a traversé et traverse. Au même titre que : Ha mais c’est bon maintenant elle est guérrie ! Je ne me gêne pas de leur dire: non elle n’est pas guérie. Et ne le sera pas avant longtemps. Finalement il y a la période de rémission mais tout ne s’arrête pas là. Il y a les séquelles psychologiques, physiques de l’enfant malade mais également de l’entourage. Ou alors des remarques: Mais les bébés ne meurent pas d’un neuroblastome, c’est les plus grand qui ont plus de risques…..qu’en savent’ils ?

Ce que les gens ne comprennent pas c’est que lorsqu’on est en plein dedans, dans la maladie, les traitements ont fonce, on va pas rester assis à pleurer car ça ne vas rien changer. C’est après, une fois le calme revenu que l’on ne peut pas quitter ce milieu, que l’on a besoin des autres familles qui ont traversés les mêmes combats, c’est plus fort que tout. Les gens vous disent de tourner la page, que c’est derrière et ne comprennent pas. Merci à l’ARFEC d’exister et merci à ceux qui les soutiennent. Le cancer ne touche pas que les adultes, et quand c’est votre enfant aucune loin ne vous autorise à rester auprès de lui en vous guarantissant un revenu.

Aujourd’hui il faut apprendre à vivre comme avec n’importe quel enfant. Un enfant qui va parfois faire de la fièvre et alors ça pourrait être signe du retour de la maladie non ? Et lorsque Lana a mal aux jambes, est-ce la croissance ou un signe d’une maladie grave ? Et le ventre de Zoé a grossi, est-ce la maladie ? Et on réalise qu’elle est constipée ces jours et que tout comme nous elle a parfois le ventre balloné. Apprendre à ne pas laisser nos peurs conduire nos vies, apprendre à faire confiance, confiance à notre enfant, en la vie….cette vie qui rend nos enfants malades, qui les fait souffrir et parfois les fait mourrir.  C’est avec d’autres parents que nous pouvons partager nos craintes, nos espoirs, nos désillusions.  Car ceux qui s’en sortent ont souvent des lourdes séquelles.

Je voulais rendre hommage à tous ces enfants qui se sont battus contre le cancer et qui sont aujourd’hui décédés, comme Maylis, Chloé, Lea et Romain. Et à tous ceux qui se battent aujourd’hui tous les jours comme Julie et Noelie. Que tous les enfants qui sont en rémission comme Alois, Leno puissent être tranquille et avoir une vie loin de l’hôpital. Mais il y a en tant d ‘autres….

Aujourd’hui Lana nous fait, je pense une réaction relativement forte de ce qu’elle a traversé depuis la naissance de Zoé. Elle pleure lorsqu’elle doit me quitter et aller à l’école. Alors qu’elle adore l’école. Elle a pleuré à l’école voulant être vers mois. Elle veut être toujours vers moi elle me dit. Et hier soir elle me dit: J’aimerai être toujours dans ton ventre comme ça je serai toujours avec toi. Elle a prit son doudou aujourd’hui pour le contrôle de vue, ce qu’elle ne faisait plus depuis bien longtemps. D’ailleurs l’ophtalmologue a vu la différence avec les lunettes. Lana ne voyait qu’à 30% de prêt et à 50% de loin….aujourd’hui avec les lunettes elle voit parfaitement bien. On verra dans un an si sa vue s’est améliorée mais il semble que ça soit en général le cas.

Zoé s’est tartiné les cheveux de beurre cacao l’autre jour. Il aura fallu 4 shampoings sur 2 jours pour qu’elle retrouve des cheveux propres….Elle court tout le temps. Elle file partout, monte les escaliers debout se tenat à la barrière si elle est à sa hauteur et descend le tobogan toute seule. Les grands maman de Zoé n’ont du repos que quand elle est à la sieste quand elles la garde. Sinon il faut toujours la surveiller et de très près !!

Une réponse à “Apprendre à vivre « normalement »

  1. J’aime te lire Natalie, tu trouves toujours les mots qu’il faut…
    Je pense aussi chaque jour à tous ces petits enfants qui luttent, à tous ces anges…comme Maylis et tant d’autres.
    Pauvre petite Lana…c’est dur !
    Profitez bien de vos deux trésors.

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